Jusqu'à la première semaine de juillet les sociétés Weetabix (céréales) et Medio's (jeux de psychomotricité pour enfants) offrent aux enseignants de Belgique la possibilité de participer à une action-épargne permettant de gagner des lots dans le cadre d'une campagne contre la "surcharge pondérale" dont "un enfant sur cinq souffre" dans le pays. L'article 41 du Pacte Scolaire belge du 29 mai 1959 interdit toutefois les activités commerciales dans les écoles.
Derrière les paquets de céréales Weetos de la firme Weetabix, on peut voir depuis septembre 2006 la publicité pour une action visant à faire "épargner le plus de timbres possibles", soit au minimum 300 (ce qui représente 300 paquets, d'une valeur moyenne d'environ 2,50 euros, soit 750 euros) pour bénéficier d'un cadeau de la firme Medio's : trois sets de deux roues (comme les Weetos, quelle coïncidence !) appelées Ludorons, en cadeau (d'une valeur de 180 euros par set), pour tout achat de deux Ludomodules (cube en plastique pour grimper dessus, d'une valeur de 400 euros pièce).
La publicité du site de Medios (www.medios.be) précise que le délai est suffisant pour "informer le corps enseignant, l'association de parents ainsi que les parents dans leur ensemble (réunions du personnel, comité de parents, newsletter,...)". Les 600 écoles déjà clientes de Medio's et surtout leur corps enseignant, sont donc tout désignées comme ambassadeurs de la marque pour faire acheter les précieuses petites roues en céréales à tous les parents et, investir dans de nouveaux Ludomodules. Cette opération, a semble-t-il été un succès, nous a-t-on dit chez Medio's. Dans la plupart des cas, les opérations se sont montées à l'initiative des enseignants, dans des écoles qui souhaitaient agrandir leur parc de jeux Medio's.
Prétexte
Avant de passer à la partie "épargne", l'argument du combat contre la surcharge pondérale est expédié en un paragraphe lapidaire sur le dépliant électronique de Medio's : l'obésité infantile serait due à de "mauvaises habitudes alimentaires (trop de sucre et trop de graisses) et un manque d'exercice". Les deux sociétés concernées "s'y attaquent" donc, et "s'en réjouissent". Cette intention louable est battue en brêche par les illustrations et cadeaux en plastiques des paquets de Weetos : des embouts de crayon à l'effigie des héros de dessin animés Looney Tunes. Il ne vient pas à l'idée de la firme que les heures de télévision à grignoter - entre autres - des céréales, peuvent contribuer à la surcharge pondérale de nos chères têtes blondes.
Il y a quelque temps, Weetabix a annoncé avoir diminué d'un tiers la teneur en sucre de ses céréales Weetos, "les moins sucrées du marché". Le communiqué de presse annonce une teneur en sucre de 23,5g/100g et une teneur en fibres de 5,8g/100g. Or, on peut lire sur les paquets actuels de Weetos des chiffres de respectivement 29g/100g et 5,3g/100g : depuis cette annonce, la teneur en sucre a donc augmenté de presque un quart et la teneur en fibres a diminué de presque 10% ! Chaque fois qu'un enfant mange des Weetos, il ingère donc 29% de sucre pur.
De toute façon, le régime des céréales Weetos le matin et de courir et sauter sur des éléments Medio's pendant la journée - a-t-on déjà vu une cour de récréation calme ? - est un peu court pour combattre le fléau de l'obésité. C'est même cette habitude de tirer sa nourriture d'un paquet coloré en self-service qui contribue à la favoriser : ces céréales contiennent du sucre et ce sont généralement les enfants qui se servent ou se resservent, ce qui ne donne que peu de contrôle sur la véritable quantité de sucre ingéré à chaque collation. "Le sucre est une drogue", comme le dit Catherine Piette lors de ses week-ends bien-être. Et la nourriture industrielle sucrée, soutenue sans vergogne par la publicité, n'est pas pour rien dans la vague d'obésité qui touche les populations. L'argument de la lutte contre l'obésité, sans aucune mention sur les paquets, de quantité à ingérer à chaque petit-déjeuner, est donc totalement fallacieux.
Vigilance
Les derniers Ministres de l'éducation belges se sont montrés "vigilants" sur l'immixion de la publicité et des firmes privées dans les préaux, nous a-t-on dit au Ministère de l'enseignement. Le scandale de l'affaire ING il y a quelques mois, lorsque la banque essayait de s'introduire dans les écoles via une campagne soi-disant éducative (www.antipub.be/articles/132), n'est pas le dernier, comme le prouve l'opération Kids Move. Il importe surtout de ne pas se laisser abuser par des arguments simplistes et fallacieux qui visent à rendre les parents d'élèves et les profs complices des firmes privées. Ces dernières sont attirées comme des mouches par l'eldorado que représente le marché des enfants, tant en tant que consommateurs que préconisateurs d'achats. Ceux qui ont épargné les points Kids Move, donc surconsommé des céréales Weetos, ont certainement bonne conscience, mais ont-ils vraiment contribué à faire diminuer l'obésité des enfants chez eux et dans leur école, comme le dit le paquet ?